L'émigration clandestine, ou ce qui est appelé communément la "harga" dans le jargon populaire, a été au centre
d'un forum national organisé par le ministère de l'Intérieur, des Collectivités locales
et de l'Aménagement du territoire.
Sur le thème "L'avenir de notre jeunesse… une responsabilité partagée", cette rencontre de deux jours qui se tient
au Palais des Nations a réuni plusieurs ministres et walis, responsables des institutions de sécurité
(ANP, Marine nationale, Gendarmerie et DGSN), chercheurs,
universitaires ainsi que des représentants de la société civile.
L'événement, suivi par visioconférence dans d'autres wilayas,
a pour objectif de définir une approche inclusive et multidimensionnelle impliquant les différentes sphères de
la société, qu'elle soit officielle, économique, universitaire auxquelles
s'ajoutera la contribution.
C'est ce qui ressort de l'allocution du ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire,
Nouredine Bedoui, qui a affirmé que "les efforts des pouvoirs publics, à eux seuls, ne suffisent pas".
Selon lui, le phénomène de la "harga", dont l'ampleur n'est plus a démontrer, tout comme ses conséquences tragiques,
nécessite d'aller vers "une solution élargie aux chercheurs, expert et acteurs de la société civile."
Il a, à cet effet, souligné que ce forum se voulait
"un espace de concertation et d'échange de vues et d'idées autour de ce phénomène suivant une approche
scientifique et participative permettant de diagnostiquer ses causes afin de déboucher
sur des recommandations et propositions de solutions, en appui aux mesures adoptées par les
pouvoirs publics pour aboutir à une démarche globale de résolution de ce phénomène".
Il a aussi mis en avant le rôle de la société civile dans la lutte contre la harga et l'étude de modalités
d'activation et de renforcement des mécanismes à même de relancer
l'action associative.
Les efforts des uns et des autres à même d'assurer une lutte efficace
contre ce phénomène qui profite à des réseaux criminels sans
foi ni loi sont en effet souhaités dans le cadre d'une stratégie complémentaire
de l'action menée par les autorités qui, comme le souligne le ministre, place
"la jeunesse à l'avant-garde de la consécration de la politique nationale de développement ".
Des mesures significatives de l'Etat pour contenir le phénomène
Il en veut pour preuve la série de mesures et les multiples dispositifs mis en place à même
e garantir une meilleure intégration professionnelle des jeunes dans le circuit économique.
Selon le ministre, "ce phénomène a été pris au sérieux par les pouvoirs publics qui ont adopté
une politique d'accompagnement des jeunes chômeurs en termes d'accès au monde du travail
et de soutien à la création de start-up ou à travers les programmes de soutien aux projets
d'investissement ayant permis la réalisation des aspirations des jeunes,
en sus des actions de sensibilisation à la participation des pouvoirs publics
et de la société civile ainsi que la présentation des efforts des autorités visant
l'amélioration de la prise en charge de toutes les préoccupations, notamment le logement et l'emploi".
"Il est procédé actuellement à une large campagne de sensibilisation aux mécanismes que prévoit le programme
du Président de la République et contenus dans l'action du gouvernement, et ce, à travers l'exposition
des modalités permettant de bénéficier des formules d'emploi consacrées aux jeunes et
des différents programmes de logement, toutes formules confondues, en consacrant
40% de logements sociaux aux jeunes de moins de 35 ans", a-t-il ajouté.
M. Bedoui a rappelé également que l'Etat avait pris une série de mesures visant
"la création d'un climat propice à l'animation du marché de l'emploi, telle la réduction
de l'apport personnel du bénéficiaire au titre de l'investissement (ramené à 1%) et la mise
en place d'un système fiscal transitionnel s'étalant sur 3 ans, en vertu duquel l
es micro-entreprises connaîtront une transition graduelle de la fiscalité
ainsi que la réduction des taux d'intérêt à 100% sur les crédits octroyés
à travers le dispositif du microcrédit".
A ce propos, M. Bedoui a invité les jeunes à
"saisir ces opportunités qui s'offrent à eux et bénéficier de tout soutien dans la réalisation des projets",
un caractère souligné par le Président de la République lors de la conférence gouvernement-walis, a-t-il soutenu.
"Depuis l'apparition des prémices du phénomène de migration clandestine,
l'Algérie n'a eu de cesse d'œuvrer à l'endiguer par une série de mesures,
d'autant que ce phénomène est lié à la sécurité et à la stabilité de nos concitoyens",
a-t-il ajouté. Il se dit convaincu en outre "que plusieurs cas de harraga ne sont pas liés
à des conditions socioéconomiques défavorables, vu les opportunités de travail et
d'investissement offertes, mais plutôt à la recherche d'une certaine classe sociale
et du gain facile, selon les résultats d'études spécialisées."
119 corps repêchés en mer, 96 personnes disparues et 200 affaires en justice
Dans son allocution, le ministre a affirmé qu'en 2018, "les commissions de wilaya en charge du dossier
ont enregistré le repêchage de 119 corps, dont la plupart
ont embarqué à partir des côtes algériennes",
déplorant "des cas douloureux de jeunes, partis discrètement et qui n'ont plus donné signe de vie depuis".
Le nombre de ces disparus s'élève à 96, a-t-il ajouté, soulignant que
"les autorités compétentes œuvrent, sans cesse, à la recherche de ces disparus dans le but
de connaître leur sort et apaiser leurs familles".
Il a ajouté que "des dizaines de personnes ont été sauvées d'une mort certaine en haute mer".
Un constat qui donne froid dans le dos. Pour M. Bedoui,
"ces données qui traduisent l'ampleur et la gravité de la tragédie,
devraient mobiliser toutes les forces et volontés pour se pencher sur ce phénomène
et les facteurs de son évolution".
Saluant "les efforts considérables déployés par les gardes-côtes et l'ensemble des corps de sécurité
pour la protection et le sauvetage des jeunes ainsi que tout le travail fourni pour lutter
contre ceux qui sont derrière
"les voyages de la mort",
le ministre a appelé ces mêmes services à consentir davantage de sacrifices pour
mettre en échec les plans des criminels dont la seule quête est l'argent
au détriment de la vie des jeunes fourvoyés".
L'action de démantèlement de ces réseaux de passeurs s'est soldée, l'année dernière, par l'ouverture de près
de 200 affaires par la justice, impliquant 344 individus ayant comparu devant
les juridictions compétentes, dont 24 ont été condamnés à des peines d'emprisonnement ferme,
a encore indiqué le ministre.
Ces efforts se poursuivent, précise-t-il, pour identifier davantage de passeurs.
Il s'est d'ailleurs montré très virulent à l'égard de ces derniers qu'il a qualifiés de partisans
d'une "odieuse activité".
Ce sont, dit-il, "des individus qui ont vendu leur conscience pour le profit,
au point où la vie de ces jeunes ne compte plus pour eux".
Se référant aux données des services de sécurité, il dira que non seulement
les passeurs sont aptes à effacer toute traces de leurs actes criminels,
mais sont capables de pratiques honteuses et révélatrices de leur caractère
abject et sont dénués de toute notion d'humanisme".
"Leurs méfaits ne resteront pas sans sanctions et la justice ne le tolérera jamais", a-t-il dit.
En outre, "les réseaux sociaux sont devenus l'espace de prédilection
pour les passeurs qui les utilisent pour promouvoir leurs services
et chasser leurs victimes innocentes en se cachant derrière des
pseudonymes sur des pages Facebook sur lesquelles ils incitent les jeunes à la
harga en leur proposant des périples fatals contre des sommes considérables".
Il a fait état, à cet égard, de l'identification de 51 pages sur les réseaux
sociaux faisant l'apologie de ce phénomène, outre l'identification de
plusieurs administrateurs de ces pages et l'établissement de dossiers
juridiques à leur encontre".
"Certaines parties recourent aux médias pour tenir des discours de démoralisation,
de frustration, de désespoir et d'incitation à la harga à travers des messages
creux incitant à l'aventure et la mort", a averti le ministre qui a appelé "ces parties à cesser de mettre en péril
la vie des jeunes".
Il a mis en garde, par-la même, contre "la dangerosité de certains espaces qui sont exploités
pour la promotion de chansons de jeunes pleines de frustration et de désespoir", affirmant que leurs
"auteurs ne sont pas conscients de l'ampleur de leur danger".